Une Maison Arc en Ciel de la Santé - Etat des travaux Octobre 2021

Une importante littérature scientifique documente les vulnérabilités de santé des personnes LGBTI, la prévalence de certaines pathologies chez ces populations ainsi que l'incidence sur la santé de la stigmatisation et des parcours de vie marquée par cette dernière. Les personnes LGBTI sont régulièrement confrontées à des difficultés dans la relation avec les professionnel·les médicaux, au mieux sans connaissance sur nos parcours de vie, au pire mal à l'aise avec ceux-ci et les stigmatisant.

Diverses associations en Wallonie-Bruxelles sont engagées dans l’amélioration de la relation « au médical » (O’Yes, Tels Quels, Genres Pluriels). Réunies par Ex Aequo avant le confinement lors de tables inter associatives, elles ont exprimé leur souhait de créer une structure répondant aux besoins spécifiques des populations L, G, B, T et I, un acte fort symbolisant dans l’espace public le droit et l’attention à leur santé: une Maison Arc en Ciel de la Santé (MACS). Ces dernières ont marqué leur intérêt pour un projet LGBTI (et non à l’attention des seuls HSH) et insisté sur la nécessité qu’une telle structure ne soit pas placée dans une structure hospitalière. Elles diffèrent en ce sens du projet formulé dans l’accord communal de la Ville de Bruxelles qui envisage de rassembler les associations de santé sexuelle et la S Clinic de St Pierre mais s’inscrivent dans un « moment » européen où de nombreuses associations de lutte contre le VIH communautaires mettent en place des centres de santé communautaires (le LX de Lisbonne par GAT, les Spots de Paris et Marseille par AIDES, les Checkpoints de Lausanne, Genève et Zurich par l’Aide suisse contre le sida…). Enfin, les associations ont par ailleurs participé à la « chaîne humaine » qui a relié la Grand Place au Parlement de Bruxelles le 16 mai 2021, à l’occasion de la journée mondiale contre les LGBTIphobies et dont l’unique revendication était la création d’une Maison Arc en Ciel de la Santé.

Améliorer le rapport au médical : une exploration

Ex Aequo a acté l’extension de son mandat vers la santé globale en 2018. Elle s’efforce dès lors de devenir le « partenaire santé des hommes qui aiment les hommes ». Cet effort suppose d’une part de compléter l’offre en pair-aidance par des services médicalisés et d’aller par ailleurs « au-delà » du dépistage rapide du VIH et de l’accompagnement aux personnes récemment diagnostiquées afin de faciliter leur entrée en traitement.

La première étape naturelle pour l’association a été d’étoffer son offre ambulatoire en termes de santé sexuelle grâce à des permanences médicales. Un second jalon a été posé par le développement d’un dispositif accompagnant un phénomène toujours plus prégnant dans la communauté : le chemsex soit la consommation de produits psycho actifs en contexte sexuel. Les deux offres ont rapidement trouvé leurs publics.

Le projet d’une Maison Arc en Ciel de la Santé vise à dépasser le VIH comme seul horizon de la santé des HSH pour ces derniers mais aussi aux yeux de la population générale. Il pose un signal fort, qui institutionnalise dans l’espace public et dans la ville la santé des HSH et au-delà, de l’ensemble des personnes LGBTI. Face à un universalisme idéalisé et fantasmé qui voudrait que tou·tes les médecins soient capables d’accueillir de manière optimale tous les publics, l’association oppose une approche pragmatique permettant de répondre de manière concrète au souhait d’égalité des chances dans un accès à la santé, libre de discrimination et de jugement. Elle tente d’apporter une solution concrète à l’impact de la discrimination sur la santé physique et mentale et réaffirme que bénéficier de soins de qualité est un droit élémentaire. Elle insiste sur l’importance d’espaces non mixtes et protégés pour ne pas avoir à faire son coming out, ce qui permettra à de nombreuses personnes de bénéficier de soins adaptés à leur mode de vie de manière continue.

Une possible feuille de route

Pour une association avec une forte tradition communautaire comme Ex Aequo, cette nouvelle offre ambulatoire constitue un défi car elle vient bouleverser les habitudes et ajouter un volume de travail certain à l'équipe. L’ABSL doit en effet continuer à offrir ses services à la communauté et se mettre en mouvement, en concertation avec les autres acteurs bruxellois de santé communautaire LGBTI, pour créer à terme cette nouvelle structure. Elle ne compte pour l’heure que 4,5 ETP pour remplir ses engagements de promotion de la santé pour les hommes ayant des rapports sexuels avec d’autres hommes à Bruxelles et en Wallonie.

Réunis en weekend associatif, les volontaires d’Ex Aequo ont mandaté leur association pour poursuivre cet effort. L’asbl propose une feuille de route à plusieurs objectifs. Le premier consiste à conscientiser nos communautés sur ses besoins spécifiques et sur les solutions existantes pour mieux y répondre. Le deuxième vise à réunir les différents acteurs de la santé LGBTI belges pour circonscrire l'offre ambulatoire de cette nouvelle structure (dans un équilibre permettant à chacune des populations, surtout les T et les I, de se sentir également "servie" par le centre) et à orienter vers d'autres dispositifs médicaux de référence si la spécialité n'est pas offerte dans la MACS. Les associations auront aussi à définir son modèle de gouvernance pour que le projet reflète la diversité identitaire et socio-économique de nos communautés. Enfin, un dernier volet envisage de réunir des professionnel·les ayant l’expertise et le réseau professionnel et politique dans le montage médical, immobilier, financier d’une telle structure.