Photo de famille des homos et bisexuels en Belgique: EMIS 2017
L’enquête européenne EMIS (European MSM Internet Survey) sur la sexualité entre hommes a pour objectif de produire des données utiles à la planification des programmes de santé et de prévention du VIH et des IST (infections sexuellement transmissibles) et d’évaluer l’impact de ces actions. L’enquête EMIS 2017, coordonnée par la London School of Hygiene and Tropical Medecine et la société Sigma Research avec le concours du Robert Koch Institut de Berlin et de l’ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control), s’est appuyée sur un questionnaire en ligne diffusé dans 50 pays entre le 18 octobre 2017 et le 31 janvier 2018. Elle a permis de recueillir des données auprès d’hommes gays, bisexuels et autres HSH (hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes). Le questionnaire était commun à tous les pays et disponible simultanément en 33 langues. Plus de 100.000 hommes, à travers toute l’Europe, ont répondu à l’enquête.
Le présent rapport a été co-rédigé par Sciensano et l’Observatoire du sida et des sexualités en collaboration avec Ex Aequo et Sensoa.
Au-delà de la santé sexuelle
par Mark Sergeant (conseiller politique des HSH pour Sensoa) et Stephen Barris (coordinateur d'Ex Aequo)
Cette deuxième édition de l'enquête internet européenne sur les hommes qui ont des rapports sexuels avec d’autres hommes (HSH) fait suite à celle menée en 2010. Elle fournit une fois de plus des informations rares et précieuses sur les modes de vie et le bien-être de notre communauté. Elle permet aux acteurs communautaires, aux chercheurs et aux professionnels, en ce y compris nos associations Sensoa et Ex Aequo d’affiner la connaissance de leur public cible et de façonner leur travail au plus près des réalités du terrain.
Des hommes plutôt bien informés
La connaissance est un élément essentiel à l’heure de faire des choix de santé éclairés et les HSH belges (70% et plus) semblent être bien informés en matière de VIH, d'IST et de traitements permettant d’éviter une infection avant (PrEP) ou après une exposition au VIH (TPE). Le taux élevé d’hommes faisant régulièrement des tests tant pour le VIH que pour les IST est également un sujet de satisfaction. Ce sont d'excellents résultats dans un processus de prise de décision vis -à-vis de la santé sexuelle. 60% des HSH belges ont fait un test de dépistage des IST au cours de l'année écoulée alors que seulement 16% présentaient des symptômes pouvant indiquer la présence d'une IST. Cela illustre une prise de conscience importante du fait que l'on peut être infecté par une IST sans manifester de symptômes. Les tests réguliers et le traitement sont des éléments essentiels de la prévention combinée du VIH, traduits dans le message de la campagne "Protéger/Tester/Traiter/Répéter" de Sensoa et dans les efforts d'Ex Aequo pour diversifier son offre de dépistage qui inclut désormais le counseling par les pairs, les services médicaux et les autotests du VIH. Ce rapport confirme que la majorité des rencontres sexuelles avec des partenaires occasionnels prend place dans des clubs, des saunas et des lieux de rencontre extérieurs comme les parcs ou les aires d’autoroutes. Cette observation vient appuyer nos investissements importants dans le travail de sensibilisation de la scène gay. Comme les espaces de rencontre gay ont maintenant fermé leurs portes en raison de la COVID-19, notre travail est rendu plus difficile par le déplacement de toute la vie sociale dans la sphère privée, un processus qui avait déjà commencé avec le développement des applications et des sites web. Cela implique une refonte totale de nos stratégies d'information et de prise en charge. Proposer des alternatives au dépistage du VIH en présentiel, en offrant par exemple des prélèvements ou des autotests gratuits, a été un axe majeur de nos efforts cette année.
Chemsex et consommation problématique de drogues
Il est indispensable que nos actions soient pragmatiques et ne portent pas de jugement. Nous devons poursuivre nos efforts pour tout mettre en place afin de soutenir la communauté des hommes qui aime nt les hommes, les aider à réduire les risques liés à la sexualité et à la consommation de produits psychoactifs. Cette dernière est en augmentation dans notre communauté et un nombre croissant d'hommes sont confrontés à une consommation problématique de drogues, c'est à dire une consommation impactant différentes sphères de la vie des individus, que ce soit leur santé (y compris sexuelle et mentale) que leur vie professionnelle et économique. Avec les associations du secteur des assuétudes, Ex Aequo et Sensoa se sont mobilisés pour répondre à leurs besoins. Cela va de la mise en place d'un site d'information tel que chemsex.be (créé avec l’Observatoire du sida et des sexualités) à la recherche des besoins des utilisateurs de chemsex, en passant par le soutien à l'Institut de médecine tropicale dans le développement de l'application mobile BUDD, la mise à disposition gratuite de matériel de réduction des 5 risques, le conseil aux hommes qui ont des difficultés à gérer leur consommation de drogues et la formation des professionnels de la santé à une meilleure compréhension des besoins des chemsexeurs.
Des obstacles à la prévention et à l'accès aux soins
On ne peut que constater que la majorité des personnes interrogées dans le cadre de l'enquête ont un niveau d'éducation supérieur à la moyenne, un emploi, "vivent confortablement avec leur revenu actuel" et utilisent Gay Romeo... Tout cela teinte forcément les résultats de l’enquête. Mais le rapport donne aussi quelques indices sur une toute autre réalité vécue par certains sous-groupes. Un HSH sur sept n'a jamais fait de test de dépistage du VIH et 24 % des HSH belges (près d'un sur quatre) n'ont jamais fait de test de dépistage des IST. Le fait que 40 % des répondants n'aient jamais été vaccinés contre l'hépatite A et B est également préoccupant. Nous devons en savoir plus sur ces hommes qui passent à travers les mailles du filet de la prévention. Le rapport mentionne que 42 % des hommes qui n'ont jamais fait de test de dépistage du VIH ne savaient pas où se faire dépister. Quels sont les autres obstacles qui les empêchent d'accéder aux soins de santé sexuelle ? Il est clair que certains groupes au sein de la population HSH devront faire l'objet d'efforts spécifiques pour être atteints : les jeunes, les hommes qui se sont peu ou pas du tout ouverts sur leur sexualité, ceux disposant de faibles revenus et les non Belges. Les informations fournies par l'EMIS vont bien au -delà de ce qui est présenté dans le présent rapport et nous aideront à élaborer des interventions plus adaptées à ces hommes. La Belgique dans son ensemble et Bruxelles et Anvers en particulier se diversifient de plus en plus. 16% des résidents belges ont choisi d'autres langues que le néerlandais ou le français pour remplir le questionnaire de l’enquête. Cela illustre bien la nécessité d'une plus grande diversité dans l'approche de la prévention et de l'utilisation d'autres langues que les langues officielles belges. Les dernières données épidémiologiques de 2019 montrent que les résidents non belges sont le seul groupe de HSH qui ne présente pas de diminution du nombre de diagnostics de VIH : des efforts supplémentaires en termes de prévention et d'accès aux soins sont nécessaires pour atteindre les HSH migrants.
Vivre avec le VIH
Quelque 20 000 personnes vivent avec le VIH en Belgique (PVVIH), une population vieillissante qui reste pour la plupart silencieuse en tant que communauté. Malgré nos efforts, une étude récente sur les personnes vivant avec le VIH en Belgique a montré qu'environ 30 % d'entre elles ne connaissaient pas la signification de I=I (une charge virale Indétectable signifie que le VIH est Intransmissible). L’empowerment des PVVIH et la fin de leur stigmatisation, tant à l'extérieur qu'au sein de la communauté des HSH, nécessiteront encore notre mobilisation dans les années à venir. En tant que principaux promoteurs de la santé chez les hommes bi- et homosexuels en Belgique, Sensoa et Ex Aequo saluent et louent cet effort de recherche scientifique et le considèrent comme un élément essentiel dans le développement d'interventions de prévention ciblées. Nous tenons à exprimer toute notre gratitude à l'équipe de recherche EMIS, à Sciensano et à l’Observatoire du sida et des sexualités pour avoir analysé plus en profondeur les données de notre pays. Le résultat le plus satisfaisant de cette recherche est sans doute la donnée concernant le bonheur sexuel : 70% des répondants belges se considèrent (très) heureux dans leur vie sexuelle. Ceci résulte probablement du climat ouvert concernant l'(homo)sexualité dans notre pays. Nous sommes pour notre part convaincus que des services de qualité qui répondent aux besoins de santé des hommes gays, bisexuels et autres hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes contribuent aussi à leur bien être.