Vaccination COVID pour les personnes vivant avec le VIH: une promesse non tenue
L'incompréhension des personnes vivant avec le vih face à la promesse non tenue d'une vaccination COVID prioritaire.
par Mike Mayne / Ex Aequo, partenaire santé des hommes qui aiment les hommes et Axel Vanderperre / Utopia_BXL, promotion de la santé et de bien-être des Personnes vivant avec le VIH.
Bien qu'annoncée par les médias depuis février, la prise en compte du vih comme comorbidité permettant une vaccination COVID 19 prioritaire est une vaine promesse. Une incompréhension et une déception pour les personnes vivant avec le vih qui découvrent qu'elles ne sont pas sur la liste des personnes prioritaires.
La communication institutionnelle autour de l’inclusion des 20 000 personnes vivant avec le VIH (PvVIH) en Belgique dans le groupe des personnes à risque accru a été ambivalente, imprécise et non transparente. L’affaire semblait pourtant bien engagée après la parution d’une étude belge en janvier cette année pointant une sévérité accrue des conséquences d'une infection à la COVID 19 pour les PvVIH. On pouvait y lire que "les patients VIH atteints de COVID-19 ont connu un degré élevé d'hospitalisation malgré un nombre élevé de cellules CD4 + et un taux élevé de suppression virologique (...). Au total, 9% des patients vivant avec le VIH sont morts et 77% se sont rétablis pleinement’”.
A la mi février, la publication des recommandations du Conseil supérieur de la Santé (CSS) soufflait le froid en précisant qu’une différenciation serait souhaitable entre les personnes séropositives ayant plus ou moins 350 CD4 par microlitre sans pour autant faire consensus parmi les spécialistes du VIH: pourquoi réduire en effet l’état de santé globale d’une personne vivant avec le VIH au taux de ce seul biomarqueur? Quid de la charge virale?
Ex Aequo et Utopia_BXL n’ont alors eu de cesse de comprendre si les recommandations du Conseil supérieur de la Santé allaient être suivies et à quel “étage” cette décision allait être prise. Comme trop souvent dans cette nouvelle pandémie, les décisions ont été laissées aux experts, les politiques préférant laisser ces “technicités” aux scientifiques. Ces derniers n’ont pas consulté les personnes concernées, mettant au passage à mal une des leçons de la lutte contre le VIH/Sida: “Ce qui est pour nous doit être fait avec nous”, en d’autres mots, il faut consulter les patients avant de prendre des décisions qui les concernent.
Plus ennuyeux, la presse reprend depuis février le tableau publié par le CSS qui inclut un énigmatique “Sida/VIH actif” dans la liste des comorbidités. Sans se soucier par ailleurs que cette dénomination “VIH actif” ne corresponde à aucune réalité dans le domaine de la lutte contre le VIH et certainement pas au décompte des CD4. Rebelote fin mars lors de la communication par le Commissariat Corona du gouvernement pour annoncer le début de la phase de vaccination pour les personnes à risque accru. Le communiqué reprend la dénomination “VIH actif”, communication reprise et corrigée par les médias en un plus orthodoxe “SIDA/VIH” alors que le FAQ joint, sans doute passé inaperçu, indique effectivement le seuil des 350 CD4. Plus grave, les sites officiels sur la vaccination entretiennent aussi la confusion en reprenant aussi cette dénomination. A ce jour, coronavirus.brussels indique toujours qu’avoir le VIH/SIDA actif donne droit à une vaccination prioritaire sans avoir recours à un spécialiste traitant ou à un médecin généraliste”. Une situation loin de se vérifier, on va le voir…
Côté vie réelle, au-delà de la déception, un autre fiasco...
Au vu de ces ratés de communication, nombre de personnes vivant avec le VIH attendent leur convocation, heureuses que cette condition soit prise en compte et qu'elle leur apporte, pour une fois, quelque chose de positif. Qu’elles aient suivi ou non le feuilleton avec attention, nombre d’entre elles ne connaissent de toute façon pas leur décompte CD4. L’information étant passée inaperçue, elles ne savent probablement pas non plus qu’il leur appartient de consulter leur médecin généraliste et leur infectiologue. Lequel, probablement engagé par ailleurs en première ligne dans les soins COVID, sera chargé d’apprendre à son patient qu’il n’a pas droit à une vaccination anticipée et devra peut-être faire barrage face à un patient tenté de plaider pour obtenir cette vaccination au plus vite.
Pour les personnes ayant effectivement moins de 350 CD4 par microlitre, le parcours ne s’arrête pas là: ce sont en effet les médecins traitants et non les infectiologues qui peuvent inscrire leurs patients dans la base de données regroupant les personnes à inviter dans la phase présente. Une inscription via internet qui allonge le temps de la consultation au-delà de la normale, ce qui peut laisser présager des réticences des médecins généralistes à la faire. Deux consultations donc. Deux professionnels de la santé mis en difficulté. Un patient mal informé, obligé de quémander. Une situation ubuesque qui laisse un goût amer sachant que l’inclusion de ces 20 000 personnes n’aurait eu qu’une conséquence marginale sur le déroulement de la vaccination.
Il y avait, il y a pourtant une solution simple. Demander aux mutuelles de sélectionner toutes les personnes ayant bénéficié d’un remboursement pour traitement antirétroviral. Leurs bases de données ne disposent en effet pas du malheureux marqueur choisi, le fameux compte CD4. Ajouter ces personnes dans les plus brefs délais à la liste des celles à inviter à se faire vacciner contre la COVID 19. Il serait dommage d’avoir réussi à contrer le sida, sans vaccin malgré 40 ans d’épidémie, pour se retrouver vulnérable à une autre maladie pour laquelle nous avons, cette fois, un vaccin.
Sources:
Clinical characteristics and outcomes of COVID‐19 in people living with HIV in Belgium: A multicenter, retrospective cohort - Rakan Nasreddine et al. J Med Virol. 2021 May. - https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33506953/